JEHRO
Paru en 2006, le premier album signé Jehro, enregistré « avec trois francs six sous dans un petit village de Provence à l’aide d’un ordinateur et un compresseur », avait constitué un succès surprise. Porté par le tube radio « Everything », il avait franchi le cap des 150 000 exemplaires vendus. Sa formule, entre pop et musique du monde, empruntait alors autant aux musiques caribéennes (reggae, calypso, morna, mento, rumba), qu’au flamenco, au cha-cha-cha, à la soul, au funk et à l’électro.
Cinq ans plus tard, Cantina Paradise prolongeait cette mixture singulière, où le beau timbre voilé du chanteur s’accompagnait d’une guitare à cordes nylon et d’un éventail de percussions. En 2012, le disque recueillait une Victoire de la Musique, dans la catégorie musiques du monde.
En 2015, Jehro est de retour avec Bohemian Soul Songs. Un disque enregistré à Los Angeles, sous la houlette du réalisateur Mitchell Froom. De Crowded House à Los Lobos, en passant par Elvis Costello, Richard Thompson ou Randy Newman, le Californien a prêté son art du son à de nombreux classiques des années 1980 à 2000. Ces deux amateurs de sons organiques se sont entendus pour faire de leur premier projet commun une affaire simple et belle. Après avoir entendu les maquettes enregistrées par Jehro dans son studio personnel, l’Américain a proposé de construire le disque autour de sa guitare, sa voix et ses textes. Assisté par David Boucher à la prise de son, Froom a assemblé un groupe de musiciens triés sur le volet : Davey Faragher (Elvis Costello, David Crosby, Buddy Guy) à la basse, Michael Urbano ( John Hiatt, Sheryl Crow, Willy DeVille) à la batterie, Val McCallum (Jackson Browne, Lucinda Williams, Bonnie Raitt) à la guitare électrique, et le légendaire Alex Acuna aux percussions.
C’est dans le studio personnel du réalisateur que l’album a été enregistré, en six semaines seulement. Les prises de cordes et de cuivres ont été faites au mythique Sunset Sound Studio. Entre Sunset Boulevard, Santa Monica, et West Hollywood, Jehro a trouvé la topographie idéale pour sa musique. Les chansons baignent dans la lumière qui imprègne la ville, et dévoilent un apaisement que l’on ressent dans cette ville où la musique coule de source. Comme si Jehro avait repris à son compte le confort qui préside aux plus belles réussites musicales de Californie.
Pour l’autodidacte Jehro, cette expérience américaine a été riche d’enseignements. Le disque s’est construit d’après une trame sobre et épurée, par touches d’arrangements impressionnistes. Le Calder Quartet a prêté ses cordes à plusieurs titres, accentuant la dimension soul du disque. La voix de Jehro n’a jamais aussi bien sonné, qui emprunte parfois des inflexions dignes de Marvin Gaye. Aux claviers, Froom a su habiller les morceaux en respectant les silences de l’interprète.
Immense chanteur, homme de scène habité, Jehro porte désormais cet album sur les scènes du monde, avec la ferveur douce qui le caractérise. Ses Bohemian Soul Songs ont les vertus d’un baume apaisant qu’on s’appliquera sans compter.